Les dérives du coaching
L ’engouement pour le coaching répond à un besoin de notre époque en même temps qu’il peut refléter ses dérives. Les sages s’accordent à dire que nous dérivons souvent, d’un extrême à un autre, cherchant un équilibre difficile à trouver parce qu’il se passe dans les profondeurs. Au sortir de la pédagogie noire et son poids de culpabilisation, le coach nous nettoie de ces toxines par la pensée positive, l’importance du bien-être et de l’estime soi, afin de s’accomplir pleinement.
Attention au retour de balancier; ne passons pas du déni du bien-être au déni de la souffrance inhérente à la vie. On aurait tôt fait de tirer un trait sur la nécessité de souffrir pour être une personne bien et de la remplacer sans nuance par celle d’être une personne pleinement épanouie. Vous le sentez bien alors, le problème de fond reste le même car les deux extrêmes se touchent : qu’on soit coupable de trop penser à soi et à son plaisir ou, au contraire, de ne pas être pleinement épanouis et accomplis, dans les deux cas, la pression est là. On doit.
C’est que chercher à répondre à une norme extérieure nous fait passer à côté de ce que la Vie peut nous apprendre de plus profond. La véritable mission du coaching tel que je la conçois est justement de permettre à la personne d’aller dans ses propres profondeurs, pour accueillir les choses telles quelles sont, dans toutes les nuances et complémentarités de sa vie, sans déni. En ce sens, il rejoint le regard de sagesse qui pose la question du sens avant de vouloir que quelque chose ne change. Et si, bien plus profondément que l’accomplissement de soi, il était plutôt question de naissance intérieure ? Et si la souffrance elle-même prenait alors sens à la lumière de cet accouchement de l'être ?
Selon moi, le coaching de vie ne devrait pas être axé sur la performance, ni même sur l’obtention d’un épanouissement bon marché acquis par des techniques presque quantifiables et censées obtenir des résultats définitifs. La personne humaine est bien plus riche intérieurement que cela. Ce qui donne sens à sa vie est de l’ordre de l‘impalpable et l'indicible, le mystère jamais acquis et pourtant toujours déjà là, au plus profond de son être. Seule cette joie profonde peut assumer les frustrations pour qu’en émergent les vrais désirs, assumer les inconforts pour oser le renouveau, traverser les souffrances et en tirer parfois les plus grands enseignements.
La vulnérabilité et les blessures rendent la vie poreuse, permettant à la lumière et l’amour de passer. A trop vouloir se construire une vie sans faille, on risque de passer à côté de l’appel à l’essentiel qui nous sors hors de notre zone de confort pour nous mener plus profondément que notre propre profondeur, là où résonne l’appel de la Vie. Cet appel ne réclame pas de correspondre à quelque norme extérieure que ce soit. Il fait fi de tout jugement. Il est là dans ce présent qu’est le présent, dans toute sa vulnérabilité, sa simplicité et sa puissance.